La Loi 4 D : Un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire

 La Loi 4 D : Un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire

Le projet de loi fait suite au Grand débat national organisé de janvier à mars 2019, qui a suivi la crise des gilets jaunes. À cette occasion, les élus locaux ont exprimé un besoin accru de proximité et d’adaptation de l’action publique aux spécificités des territoires. Différentes concertations locales ont été conduites depuis 2020 pour élaborer le texte qui s’articule autour de quatre priorités, comme l’indique son titre.
Dans le préambule de ce nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire. » Emmanuel Macron s’exprime ainsi : « Les Français ont confiance dans leurs élus locaux et ce nouvel acte de décentralisation doit porter sur des politiques de la vie quotidienne : le logement, le transport, la transition écologique, pour garantir des décisions prises au plus près du terrain. Ce nouvel acte de décentralisation devra s’appuyer sur quelques principes simples : responsabilité, lisibilité et financement.……. avec celui-ci un principe : la différenciation territoriale. ……. Mais pour répondre aux défis de nos outremers, qui sont très spécifiques………. on doit différencier, adapter nos règles, notre organisation, trouver plus de liberté. Nous avons commencé à le faire, nous devons aller plus loin. ». Voilà les mots sont lancés, responsabilité, différenciation.

Des institutions déjà chahutées
Lors des élections présidentielles de 2017 l’idée d’une VIe république lancée par Jean Luc Mélenchon avait retenu l’attention des français. Les instituions avait été vivement critiquées. L’origine des « maux » serait enracinée dans les institutions de la Ve République. « La Constitution actuelle vient d’une autre époque, 1958, on finissait les guerres coloniales. Maintenant, le pays a beaucoup rajeuni, il a été éduqué. »
En 1958, lorsque le général De Gaulle impose la rédaction d’une nouvelle Constitution, le texte vise à donner un pouvoir important à l’exécutif par rapport au législatif. Le président de la République a le droit de dissoudre l’Assemblée, mais cette dernière ne peut pas le renverser. Les opposants à cette Ve république y voyaient une négation du peuple au profit du chef de l’Etat. « Le président de la République n’est responsable devant personne. Il peut très bien bafouer tous ses engagements de campagne, sachant qu’il n’encourt aucune sanction. » (Jean Luc Mélenchon). Loi 4 D ou VIe république la question de la réforme des institutions fait encore débat.

L’examen du texte par les parlementaires
En première lecture, le Sénat a voté de nombreux amendements. Le projet de loi présenté par le gouvernement comptait 84 articles, le texte voté par le Sénat en contient plus de 200.
La pérennisation du dispositif de la loi SRU a été validée par le Sénat qui a cependant apporté quelques modifications. Les nouvelles communes soumises aux obligations de logements sociaux seront soumises à des seuils progressifs en ajoutant une période triennale d’étape avant l’atteinte de l’objectif final. La construction de logements très sociaux dans les communes qui comptent déjà plus de 40% de logements sociaux ne sera plus autorisée afin de lutter contre les ghettos et de garantir la mixité sociale.
Un amendement confie la compétence du service public de l’emploi aux régions. La conduite de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle et les actions de coordination des acteurs du service public de l’emploi sur le territoire régional seront inscrites dans la liste des compétences des régions. La mise en œuvre de la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences sera également transférée aux régions. Les régions seront associées à la gouvernance de Pôle emploi.
À côté du préfet de région, le président du conseil régional co-présidera le conseil d’administration de l’agence régionale de santé (ARS).
Le Sénat a souhaité que le transfert de la médecine scolaire aux départements soit évalué. Un amendement prévoit le dépôt au Parlement, six mois après la publication de la loi, d’un rapport du gouvernement sur les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements et sur les améliorations attendues.
Par ailleurs, comme cela a déjà été reconnu à tout usager de l’administration, le Sénat a voté un amendement afin d’instituer un droit à l’erreur au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs groupements. Il a également prévu une meilleure représentation des élus locaux au conseil d’administration de l’Agence nationale de cohésion des territoires.

Quel impact pour la Martinique
Tout au long de l’histoire de nos institutions, « la gauche martiniquaise » a majoritairement affirmé son caractère nationaliste et autonomiste depuis le discours sur la Savane du 23 novembre 1956, en passant par le discours des trois voies ou des cinq libertés, du 24 février 1978. La Martinique au travers de ces élus de gauche se plaçait de manière indiscutable dans le camp de la dignité et de la conquête de l’autonomie.
Une idée de l’Autonomie qui comporte par définition la nécessaire dimension de la responsabilisation. Il nous faut bien comprendre que la responsabilisation n’est pas seulement une question de gestion, d’aménagement institutionnel, de développement social ou économique comme le propose la loi 4D. Ce n’est pas seulement une question qui vise à traiter du chômage, du logement, des transports, ou de tout ce qui relèvent des nécessités immédiates de notre vie quotidienne et de celle de nos enfants.

La responsabilisation est une question Politique !
Cela veut dire qu’elle relève de ce qui confère une âme, un sens, une signification culturelle et sociale à l’organisation de la cité. Qu’elle relève de ce qui donne du sens à notre vivre-ensemble et du bonheur à chaque instant de notre vie.
La Politique n’a qu’une finalité, c’est le bien-être de l’Homme, son épanouissement, son inscription dans l’avenir du monde. Une grande politique sera toujours celle qui nous aidera à devenir un peu mieux nous-mêmes, un peu plus dignes, un peu plus libres, un peu plus conscients, donc maitrisant au mieux notre destin, dans la pleine conscience de nos limites, de nos richesses, de nos valeurs, et de nos droits.
C’est en ce sens que l’idée de responsabilité est fondamentale, car on ne saurait imaginer qu’un individu, qu’une famille, qu’un peuple, qu’une nation puisse atteindre un quelconque degré de plénitude, sans disposer d’un minimum de responsabilité sur soi-même ou sur son devenir !

Elle touche aussi à tous les aspects de notre vie quotidienne
Alors, bien entendu la responsabilisation ne déserte nullement nos urgences les plus immédiates. C’est au contraire parce que c’est une question Politique, qu’elle touche aussi à tous les aspects de notre vie quotidienne, à commencer par les aspects économiques et sociaux.
Les questions qui nous préoccupent tant, comme celles du chômage, de la drogue, de la formation des jeunes, du développement universitaire, des équipements structurants, de l’écologie, de l’énergie, du logement ou du transport, de la lutte contre les profitations, exigent la mise en œuvre de politiques originales, audacieuses, adaptées aux réalités de notre histoire et de notre culture, et aux exigences du monde contemporain !

Pour agir au plus vite de manière innovante
Une telle politique ne saurait se concevoir si l’on ne dispose pas d’un esprit responsable, et d’une capacité d’agir, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif !
Et comment obtenir que des individus se comportent de manière responsable, si la collectivité dans laquelle ils vivent, ne dispose d’aucune responsabilité, et donc d’aucun pouvoir sur elle-même ?
Comment lutter contre la drogue ou traiter la calamité du chômage, si ces questions ne deviennent pas l’affaire de tous et de chacun, dans le cadre d’une responsabilité politique véritable, et qui dispose des leviers pour agir au plus près, pour agir au plus vite de manière innovante ?
C’est-à-dire en maitrisant, l’essentiel des leviers de gouvernance pour répondre à cette urgence : changer le modèle économique et social, et s’inscrire dans une nouvelle alternative de développement.

Un impossible persistant, un rendez-vous raté, ou un idéal trahi ?
C’est ce discours qu’a tenu l’ensemble de cette classe politique dite « nationaliste « ou « autonomiste ». C’est ce qui a été promis au peuple martiniquais. C’est cet idéal qui nous a bercé, c’est cette énergie qui a nourrit notre motivation à nous lancer dans la bataille.
Malheureusement les divers rendez-vous ratés de cette aspiration ont fait de la responsabilité « cet impossible constitutionnel » pour justifier en réalité chez nos élus un déficit en désir de responsabilité vraie.
Les éléments de construction de ce projet de loi proviennent des remontés du grand débat national qui a suivi le mouvement des gilets jaunes. Je n’ai aucun souvenir de la consultation des martiniquais et encore moins des propositions particulières de nos collectivités ou de quelconque institution qui pourraient répondre aux préoccupations des martiniquais.
En conséquence je crains fort que cette loi 4D ne reste pour l’instant qu’un aménagement administratif des institutions pour un meilleur contrôle des dépenses publiques, et soit du pain béni pour notre classe politique, car ne conférant dans ses premières intentions aucunes responsabilités.
Ni collective, ni individuelle.
Espérons que cette loi ne rallonge la liste des rendez-vous ratés avec la responsabilité.

Jeff Lafontaine

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