Nos députés uniquement dans la demande sociale ?

 Nos députés uniquement dans la demande sociale ?

Un de nos députés récemment élu s’est lancé dans une demande de 33,47 euros supplémentaires pour renforcer le montant du RSA en Martinique, ce qui très justement peut diminuer les souffrances de nombreuses familles (environ 28%) qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Le Député Jiovanny William dans sa question N° 163 au Ministère des solidarités interroge le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion sur la différence de traitement observée entre les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) en « France métropolitaine » et à la Martinique.  » Il lui demande de bien vouloir indiquer les considérations de fait et de droit qui sont à l’origine de cette différence de traitement entre citoyens français et le prie de bien vouloir aligner la valeur du RSA perçu à la Martinique sur celle perçue en France métropolitaine pour une parfaite égalité sociale. »

Egalité : Le mot est lâché

Que dit la loi

Vu la saisine de l’assemblée de Martinique en date du 22 mars 2022, le Journal officiel du 14 mai 2022 nous informe du Décret n° 2022-805 du 13 mai 2022 portant revalorisation du revenu de solidarité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Sai nt-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Art. 1er. – Le montant mensuel du revenu de solidarité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon est porté à 542,05 euros à compter des allocations dues au titre du mois d’avril 2022.

C’est sur cette base et à bon droit que le Député Jiovanny William fait sa demande.

Cependant

Toujours sur le journal officiel et cette fois celui du 27 avril 2022 on peut lire ceci :

Sur le rapport du ministre des solidarités et de la santé,

Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment ses articles L. 262-2 et L. 262-3 ;

Vu le décret n° 2021-530 du 29 avril 2021 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active ;

Vu l’avis du conseil d’administration de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole en date du 29 mars 2022 ;

Vu l’avis du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales en date du 5 avril 2022 ;

Vu l’avis du Conseil national d’évaluation des normes en date du 7 avril 2022,

Décrète :

Article 1

Le montant forfaitaire mensuel du revenu de solidarité active pour un allocataire est de 575,52 euros à compter des allocations dues au titre du mois d’avril 2022.

Article 2

Le présent décret n’est pas applicable à Mayotte.

Député un mandat politique ou d’expert en droit ?

Le Député Jiovanny William est un expert en matière juridique et bénéficie donc d’un apriori de légitimité et de compétence dans sa demande. Notons qu’à l’heure où nous écrivons cet article le ministre n’a toujours pas répondu à la question soumise le 19 juillet 2022.

«Houston, nous avons un problème.» dirait Jim Lovell commandant du vaisseau spatial Apollo 13.

Alors que peut être le travail d’un député martiniquais ?

Beaucoup de ceux qui ont été bercés par les promesses d’émancipation se sont félicités d’avoir porté à l’Assemblée Nationale française quelques-uns des derniers résistants au système colonial français. On se croirait dans le roman de James Fenimore Cooper, Le dernier des Mohicans.

Malheureusement, la réalité d’aujourd’hui est que les habitants de ce territoire indien envahi et colonisé par les Européens, vivent dans des réserves, et constituent aux yeux de leurs bourreaux devenus maitres des lieux, une « curiosité historique ».

A la manière « d’Œil-de-Faucon » dans le roman, nos députés se lancent à la conquête du cœur, mais surtout du portefeuille de leurs électeurs en entretenant, voire même en essayant de renforcer la perfusion sociale en évitant soigneusement de remettre en question les causes.

Parfois, on veut en avoir autant que le citoyen de France au motif d’être citoyen français à part entière. Parfois, on demande plus parce que nous avons des « spécificités » et donc nous sommes des citoyens entièrement à part.

Ce n’est pas de spécificités dont il s’agit mais de réalités.

Revendiquer des spécificités c’est faire la démonstration de la différence de traitement par rapport à une norme, une référence « la France ». Or cette référence est contestée quant au modèle qu’elle nous propose, et nous impose. Alors discutons des réalités martiniquaises qui sont différentes de celles de la France et trouvons les voies et moyens du vivre ensemble dans le respect de nos identités, nos différences, nos réalités. Si tant est que nous aurions un destin commun avec les Français au nom d’un passé historique.

La cohésion sociale ne peut se construire ni sur le mythe du sauveur des spécificités, ni sur l’achat des consciences. Elle se fonde sur la libre adhésion de ses membres aux valeurs Républicaines. Ces pratiques d’un autre temps sont d’autant plus condamnables, que ceux qui font la loi foulent aux pieds les règles élémentaires de l’état de droit dont ils sont les artisans et les garants.

Changer de modèle : Encore une belle promesse

Le modèle sur lequel a été fondée la société martiniquaise depuis quatre siècles n’est pas soutenable. Il nous faut donc sortir de la démesure, du toujours plus et oser reposer les questions fondamentales : « À quoi doit servir l’économie ? », « Pourquoi travaillons-nous ? », « Comment articuler qualité de vie sociale et progrès économique ? » « Quel projet pour la Martinique ? »

La violence au quotidien, l’éclatement de la famille minée par les conséquences de la marchandisation des valeurs éducatives, le suicide silencieux d’une partie de la jeunesse, l’exsanguination progressive du pays de sa jeunesse, l’exclusion de milliers d’isolés spoliés de leurs droits à une vie décente ; c’est la face cachée.

Or, l’ostentation de nos élites tend à faire croire au miracle d’un développement par assimilation. Tout ceci participe du même processus de la déliquescence.

Les résultats des récentes élections qui portent à l’Assemblée Nationale française des présumés contestataires du système colonial sont encore un indicateur de désapprobation du choix d’orienter l’action politique sur un aménagement du système global plutôt que sur une remise à plat des scories coloniales dont notre société et notre économie restent encore tributaires.

Cette réalité nous impose la conscientisation du plus grand nombre. On ne change pas de paradigme sans le plus grand nombre, sans que chacun ne devienne à la fois concepteur, acteur, évaluateur et transformateur de son immédiat et de son quotidien. Bien entendu, cette aliénation économique et sociale que nous subissons ne peut être dissociée de l’aliénation culturelle, qui est le point de départ.

Nous pourrions décliner à l’envi les éléments qui nous font craindre que les promesses ou projets électoraux d’une droite conservatrice, d’une gauche sans perspectives qui se spécialise dans la défense des acquis sociaux et d’une extrême gauche qui a perdu son souffle, ne répondent que très partiellement aux attentes profondes du peuple martiniquais.

L’expérience nous montre que la classe politique est encore aujourd’hui à réclamer sur les tréteaux électoraux de manière très sonore ce qui n’est pas en rapport avec le conscient collectif populaire en cours, et se cantonne dans « cet impossible » pour justifier un manque de courage ou un déficit en désir de responsabilité réelle.

La réalité inspirée de Frantz Fanon

La vérité qu’est la lutte pour l’émancipation du peuple martiniquais soumis à une domination globale, implacable requière de nos élus des garanties difficilement réunies. Ce n’est pas seulement le sol qui est occupé. Le colonialisme français s’est installé au centre même de l’individu martiniquais et y a entrepris un travail soutenu de ratissage, d’expulsion de soi-même, de mutilation rationnellement poursuivie. Il n’y a pas une occupation du terrain et une indépendance des personnes, c’est le pays global, son histoire, sa pulsation quotidienne qui sont occupés, contestés, défigurés dans l’espoir d’un définitif anéantissement.

Dans ces conditions, la respiration du martiniquais est une respiration de combat.

Jeff Lafontaine

#jefflafontaine

1 Comment

  • Très bonne analyse de la situation, ne faut il pas s’orienter vers ce chemin des compétences sur des sujets spécifiques à nos territoires. N’avons nous pas cet espace risques majeurs, entamé par quelques Martiniquais et qui d’ailleurs ont trouvé le procédé, le process qui nous permettrait de développer une industrie nouvelle…
    Emmanuel Marie-Luce Concepteur de Mobiliers anti écrasement à vocation parasismique #Sékiritli

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