Pouvoir et couleur de peau en Martinique

 Pouvoir et couleur de peau en Martinique

La Martinique a un passé de répression coloniale marquée et nos mémoires n’ont pas effacé l’assassinat d’André Aliker, l’emprisonnement des 18 jeunes de l’OJAM, la tuerie de Chalvet avec Rénor Ilmany, les tortures à mort de Georges Marie-louise, l’assassinat d’Alain Joviniac, le meurtre de Gérard Nouvet, et bien d’autres encore, quand les coupables de l’hécatombe du mois d’aout 2021 seront identifiés. Les manifestations liées à la crise sanitaire semblent faire ressurgir le spectre de cette répression aveugle et systématique en faisant l’impasse sur un dialogue gagnant/gagnant sur la demande des soignants à savoir : Non à l’obligation vaccinale, non au passe-sanitaire, oui à la liberté d’accès aux soins.

Depuis des décennies, une transition sourde traverse notre pays. Cette transition, c’est la ghettoïsation ethnique de certains espaces, tant en termes d’espaces géographiques que d’espaces d’activités professionnelles.
Cela crève les yeux dans le monde de la santé et notamment dans le secteur hospitalier. Cette ghettoïsation fait le lit des vieux démons qui ressurgissent à la moindre occasion.
Au-delà des doutes sur « ce vaccin », ce qui est refusé, ce qui est combattu, ce qui nourrit la révolte c’est cette mainmise méprisante et arrogante d’une « communauté ethnique », sur les services publics de l’Etat et une bonne partie de l’économie. Ce qui alimente cette fracture c’est cette relation de connivence d’un « entre soi » qui pérennise des rapports d’obligeance hérités du temps colonial, au profit des seuls intérêts de cette communauté, au mépris de la vie.
Une partie de cette « communauté ethnique » détenant tous les pouvoirs prend en otage les martiniquais dans une gestion de crise sanitaire infantilisante, punitive, opaque et catastrophique.
La démonstration de cet entre soi communautariste a été faite dans le choix des soignants venant récemment en aide aux martiniquais.

Pourtant la société martiniquaise connait la diversité ethnique et culturelle. Elle a su accueillir des hommes et des femmes venant d’Inde, de Syrie, d’Afrique noire et blanche de chinois, de français, des européens, des haïtiens des sud-américains etc. Le maillage, apparemment pacifique, s’est fait entre toute ces composantes en maintenant tout de même le clivage entre dominants et dominés. Un système bien huilé entre assistance sociale et répression.

Mais on a trop longtemps cru que la pacification voulait dire intégration acceptation, voire soumission. La triste actualité nous montre que sous cette apparence apaisée les cicatrices sont encore sensibles quand la réalité inacceptable et les injustices répétées les effleurent. En effet les slogans, qui auraient justifié la plainte du Préfet pour incitation à la haine raciale, pointent cette « communauté ethnique » dans le pouvoir qu’elle représente et les privilèges qui lui sont associés, et non pas dans une prise de position raciste ou xénophobe. Cette « communauté ethnique » est identifiée comme la source et les bénéficiaires des injustices.
On ne peut s’empêcher de se rappeler de la mise en garde d’Aimé Césaire qui s’exprimait ainsi :
« Je vous le dis attention, martiniquais prenez garde ! A l’heure ou dans le monde entier, le processus de décolonisation s’achève, à la même heure à la Martinique un processus tout autre est commencé et va bon train et c’est un processus de recolonisation. Hé oui, martiniquaises et martiniquais le processus est commencé, regardez vos plages, regardez vos rues, regardez vos administrations, regardez les banques, regardez les grands magasins, regardez les grandes surfaces, regardez la préfecture, parfois c’est en vain que vous chercherez une tache de couleur une tache sombre dans le paysage, tout est blanc. Tout est blanc. Il ne s’agit pas de racisme, il s’agit de l’équilibre d’une société menacée, menacée dans son être, menacée dans sa vitalité, menacée dans son identité, menacée dans sa survie, Je vous le dis attention, martiniquais prenez garde ! »

  • Tant que ce sentiment d’injustice lié aux crimes de l’esclavage perdurera,
  • Tant que l’administration de l’état sera exclusivement pilotée par une « communauté ethnique » dans des rapports de mépris et de condescendance,
  • Tant que la classe politique martiniquaise n’aura pas accédé à la responsabilité,
  • Tant qu’il sera fait obstruction à la réappropriation des trésors de notre patrimoine culturel matériel et immatériel recalé au rang de folklore,
  • Tant que ne seront pas développés de rapports respectueux vis-à-vis de la nature, la faune, la flore, de l’eau, des sources, des rivières, de la mer, du vivant,
  • Tant que tout cela durera beaucoup de martiniquais penseront qu’ils habitent encore cette blessure, qu’il n’en faudra pas beaucoup pour en réveiller les douleurs, et que toute condamnation sera vaine.

Car nous savons très bien que ce n’est pas une question de couleur de peau, mais qu’il s’agit de la réminiscence et la mise en œuvre d’un système qui utilise les couleurs de peaux pour diviser et pérenniser la position dominante des acteurs et des tenants de ce système, quelle que soit leur couleur de peau.

Jeff Lafontaine

1 Comment

  • Bonswè !
    Mèsi !
    OU JA DI MO-A !
    BAWOUF sésa menm !
    Man té anrita de an mo !

    Ou sav, nou sitèlman kouyon
    Ke yo paka arèsté kwè ke nou ké kouri ba yo.
    Ou sav kouyon ka kouri toulong ! Yo pa sav poutji mé yo ka kouri toujou (lémosyon è nèg !).
    Yo ké rigrété pousé -nou konsa jiktan yo manjé monyon lanmen-yo.
    Van konsians-la ka souflé de pli an pli fò.
    Maré ren Nou ! Épi PÉ SÈK.

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