Une opportunité pour créer le changement

 Une opportunité pour créer le changement

Nous pouvons décliner à l’envi les éléments qui nous font craindre que les promesses ou projets électoraux d’émancipation d’une droite en déconfiture, d’une gauche sans perspectives qui se spécialise dans la défense des acquis sociaux et d’une extrême gauche populiste, ne répondent que très partiellement aux attentes profondes du peuple martiniquais. Aujourd’hui ce rassemblement citoyen semble conforter et concrétiser le vieux rêve après lequel nous courrons vainement depuis tant d’années, d’ouvrir la voie à un rassemblement du peuple martiniquais tout entier au-delà des appareils politiques.
La prudence nous commande de jeter un coup d’œil très rapide sur l’histoire des rendez-vous manqués des accords politiques visant à l’accès à la responsabilité au cours du dernier demi-siècle.

Nous l’avons vécu :
– Avec la Conférence de la Table Ronde de décembre 1963, à Paris, au lendemain du procès de l’OJAM
– Avec l’échec de l’Assemblée Préparatoire du Congrès du Peuple Martiniquais pour l’autonomie de mai à septembre en 1967
– Avec la Convention Morne Rouge (en août 1971),
– Avec la tentative d’union raté de Trénelle (janvier 1972) entre autonomistes et indépendantistes
– Avec le Bloc de mai en 1974 et son prolongement de Sainte-Anne (Guadeloupe) en 1977
– Avec le Fiasco du Front National pour l’autonomie en 1978
– Avec la stratégie commune avortée de la Conférence des dernières colonies en avril 1985 à Anse-Bertrand en Guadeloupe.
– Avec l’échec du Pacte Global d’Unité (1986-1990) qui nous avait permis de faire élire 4 députés de gauche en 1988 mais qui n’a pas tenu 4 ans.

Nous l’avons vécu
– Avec la scission du PPM en 2006 et la division de la gauche sur les consultations de 2010 touchant les modifications institutionnelles ayant abouti à la Collectivité territoriale, la CTM
– Avec l’échec du PPM et de EPMN (Ensemble Pour une Martinique Nouvelle) aux élections territoriales de 2015, un tournant de l’histoire institutionnelle voulu par le PPM à savoir la collectivité unique.
– Avec la profonde scission du MIM entraine la démission de Jean-Philippe Nilor en septembre 2018 puis la dissolution de l’association de financement du MIM en novembre 2019 et donne naissance à « Péyi-A », le nouveau parti de Jean-Philippe Nilor qui regroupe entres autres les dissidents du MIM.

Il me semble que s’il y a quelque chose à retenir de tous ces échecs, c’est la nécessité d’un changement profond dans la manière d’aborder l’avenir de notre pays.
Aujourd’hui, le mérite des forces citoyennes en présence est d’oser sortir des sentiers battus, éviter les formules toutes faites, imaginer, inventer, pour réaliser ce que jadis aimé Césaire exprimait ainsi : “D’un grand sursaut salvateur, d’un grand sursaut martiniquais balayant toutes les divisions,
tous les sectarismes,
toutes les querelles intestines,
toutes les controverses subalternes de sectes, de clans ou de chapelles,
toutes les petites revendications plus ou moins étroitement catégorielles,
un grand mouvement qui mettrait tous les Martiniquais – je dis bien tous – : intellectuels, ouvriers, syndicalistes, entrepreneurs, artisans, commerçants,
tous ceux qui pensent,
tous ceux qui produisent ;
un sursaut qui les mettrait tous au service de la Martinique,
qui les mobiliserait tous au service du pays,
avec un seul objectif, un objectif commun : sauver la Martinique,
lui refaire une économie viable,
lui assurer un nouveau départ et jeter les bases d’une nouvelle société martiniquaise. »

Bien entendu, il ne faut réclamer ou attendre de personne, ni reniement, ni abjuration, ni apostasie. Simplement de prendre conscience de ce que nous vivons un moment très particulier de notre histoire et un moment très difficile.
Je crois de plus en plus qu’il nous faut tenter d’aller jusqu’au bout de cette initiative de tenter un large rassemblement de toutes les forces vives de notre pays pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de travail fondé sur le respect de notre identité de Martiniquais, sur la reconnaissance de la personnalité collective de notre peuple et de notre droit à l’initiative historique c’est-à-dire à la responsabilité dans la gestion des affaires de notre pays.

Je suis convaincu qu’il y a, aujourd’hui, très peu de Martiniquais qui contestent, quant au fond, notre identité de Martiniquais. Je suis également persuadé que très peu de Martiniquais sont fondamentalement opposés à l’élargissement de nos libertés, de toutes nos libertés, y compris celles de diriger nous-mêmes nos affaires, c’est-à-dire de disposer de plus de pouvoirs pour nos assemblées locales, pour notre pays.

Que les uns et les autres n’aient pas la même conception que nous de ces libertés, y compris parfois au sein d’un même mouvement, c’est l’évidence même. C’est naturel et c’est tant mieux. C’est cela, entre autres, la démocratie. Rien ne serait plus dangereux aujourd’hui que de cultiver la pensée unique.
Nous devons tenter simultanément de clarifier, c’est-à-dire de distinguer et par conséquent d’admettre nos différences et chercher à élargir sans cesse le consensus avec l’ensemble des forces politiques, syndicales et citoyennes intervenant dans notre pays.
Autrement dit, nous ne devons plus différer le moment de cet indispensable nécessité historique.

Jeff Lafontaine

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