Difé, difé, osoukou léta…yo ka pété nou…

 Difé, difé, osoukou léta…yo ka pété nou…

Le diable m’a murmuré à l’oreille : « Tu ne traverseras pas la tempête. » Je lui ai répondu à l’oreille : « Je suis la tempête. »

Mé ki moun kif è sa ?

Les actes de violence qui ont secoué cette fin de semaine semblent devenir aussi communs que les réactions de la classe politique, qui tente de montrer son intérêt. En effet, la série prévisible de condamnations a déjà commencé à se faire entendre. Mais cette fois, la particularité réside dans l’appel audacieux à la France pour demander de l’aide. Cette fois-ci, « on » réclame un « contrat territorial de sécurité », des assises de la sécurité en Martinique et une présence ministérielle. Cependant, aucun mot n’est prononcé sur l’éducation, la formation ou les conditions socio-économiques qui pourraient servir de base pour des actions autres que la répression et la quémande.

Les responsables ne sont plus les jeunes désœuvrés. Il ne s’agit plus des groupes que « l’on » nomme « RVN », et encore moins des jaloux, des méchants ou des « zindépendantis ». Cette fois, la responsabilité incombe entièrement à l’État. Ainsi, « on » exige que l’État fasse son travail et répare les dégâts, sinon, la prochaine fois, « on » sollicitera encore son aide, jistan kok ké ni dan.

Zot ba nou boutou pou an pitji apwézan zok ka krié la non-violans ?

Aujourd’hui, tout comme par le passé, les mouvements de libération doivent lutter contre les accusations de « violence » qui leur sont imputées.

Il est crucial de se souvenir qu’au cours des années 2000, à l’apogée de l’altermondialisme et des protestations contre la guerre, la non-violence était promue comme principe fondamental. Cela se manifestait par une opposition envers les résistances palestiniennes et irakiennes, ainsi que contre des mouvements tels que les black block. Dans nos régions, cette tendance s’exprimait envers les mouvements anticolonialistes depuis les années 1970. Aujourd’hui, on peut affirmer sans se tromper que la violence provient principalement du système lui-même. Car la violence ne se limite pas aux seules poubelles enflammées.

Il est nécessaire de rappeler que dans notre société dominée, où la reconnaissance culturelle et historique est absente, où les opportunités d’ascension sociale sont inexistantes, où l’économie est contrôlée par des puissances héritées de l’esclavage, où l’impunité des élites bafoue la justice, et où les citoyens sont ignorés, les victimes utilisent les moyens à leur disposition : la violence.

Au sein de cette lutte menée par « ces damnés de la terre », on retrouve souvent des marginalisés du système, qui ne sont pas nécessairement politisés, mais qui profitent du « chaos » pour régler leurs comptes avec une société qui ne leur offre rien et qui les a jadis maltraités.

Souvenons nous des mots du poète :

« Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la brutalité, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en fouet, et l’homme indigène en instrument de production. »

Pour ces opprimés et exclus, la violence est une réponse stratégique à leur situation. Certaines colères ne peuvent être contenues indéfiniment. Les événements récents nous avertissent que les périodes d’apathie, de résignation et de soumission seront éphémères. Même si les blessures semblent cicatrisées, le souvenir de leur douleur demeure vif, et peu d’étincelles suffisent à raviver les flammes.

C’est une question de politique martiniquaise, et c’est à la classe politique martiniquaise de répondre. Jusqu’à présent, il est évident que les réponses sont en deçà des enjeux, et les conséquences se font déjà sentir.

En transférant au répressif ce qui relève de l’éducatif, nos gouvernants ont sous-estimé le déficit éducatif, privilégiant prétendument des investissements structurels, la relance économique du modèle « comptoir colonial » et l’anthropophagie politique.

Malgré leurs revendications sonores de plus de responsabilités, nos élus jouissent du pouvoir sans en assumer les responsabilités. Ils ont abandonné le combat pour l’émancipation et le bien-être de la population au profit d’une quête du pouvoir qui les maintient génuflexés aux pieds de la croix des échéances électorales. Conférer du pouvoir à des élus dans une société désorganisée ouvre la porte à une culture du sauveur qui peut mener à la tyrannie. Voilà une leçon que l’histoire nous enseigne.

Ba moun lajan pou fè ich, mew pé pa fè ayen pou sa ki ja la.

Peut-on imaginer un contrat éducatif territorial ? Les collectivités détiennent des biens immobiliers souvent inutilisés pendant les vacances scolaires, en soirée après les cours et les week-ends. Pourquoi ne pas collaborer avec les associations pour mettre en place des activités éducatives, de soutien scolaire, d’éveil musical, théâtral ou artistique ?

Il serait judicieux de réfléchir à la polyvalence de ces installations. Combien de centres culturels ont-ils fermé leurs portes, laissant des bâtiments à l’abandon ? Où sont passés les centres culturels de quartier à Fort-de-France ?

Pourquoi n’y a-t-il pas de bibliothèque municipale à Fort de France ? Dans ce cas pourquoi ne pas mutualiser avec les CDI des établissements scolaires ?

Pourquoi ne pas réactiver le COLDEMI (comité opérationnel de lutte contre la délinquance des mineurs) ? Cette instance, unique en « France », créée par le Procureur Serge Samuel et le parquet des mineurs sous l’autorité de Philippe Astruc, favorisait le dialogue entre la police, la gendarmerie, l’éducation nationale et de nombreuses autres instances éducatives associatives. Elle permettait également des interventions rapides en cas de signalement.

Pourquoi ne pas raviver l’initiative « Être Parents Ensemble », qui prévenait le prosélytisme au sein des associations qui aidaient les parents ? Piske sé pwéfè zot enmen, pourquoi pas un préfet à l’éducation ? Les bilans des contrats de ville offrent-ils des enseignements ?

Si sé nèg mawon oulé fè

Pourquoi ne pas s’engager dans une lutte sans merci contre l’échec scolaire et disputer à l’Education Nationale certaines prérogatives régaliennes dans les enseignements, y compris l’enseignement de notre langue martiniquaise ?

Pourquoi ne pas s’engager dans une opération de 100% des demandes de stages de formation en alternance honorés par les entreprises ?

Toutes ces initiatives étaient portées par des Martiniquais, même si elles s’inscrivaient dans un cadre colonial. À aucun moment, il n’était question d’abandonner la lutte anticolonialiste ni de plaider pour un aménagement de nos libertés dans ce contexte colonial. C’est cet état d’esprit qui guidait les décisions.

Two ta jaka baré nou

Malheureusement les conditions sont déjà réunies pour que des soulèvements populaires, des insurrections, des révoltes sanglantes, voire des actes qualifiés de « terroristes », éclatent dans des endroits inattendus. Malgré les critiques virulentes, ces expressions de mécontentement sont inévitables, car nombreux sont ceux qui n’ont plus rien à perdre.

Jeff Lafontaine

1 Comment

  • Voilà une analyse judicieuse de ceux qui ont réfléchi à notre situation coloniale, mais celle ci n’est pas partagée par ceux qui prétendent se présenter devant le peuple qui se laisse tristement manipuler.

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