Droit de réponse. La guerre de religion n’aura pas lieu

 Droit de réponse. La guerre de religion n’aura pas lieu

Droit de réponse du Député Marcellin NADEAU à la publication de M. Jeff LAFONTAINE , sous couvert de la page « Evolution-Martinique.com »

La guerre de religion n’aura pas lieu – Marcellin NADEAU

 » Une tribune publiée récemment par Jeff Lafontaine, instruit à mon encontre un procès en
« mysticisme » d’une telle violence anticléricale que je me dois de rectifier certains de ses propos, tout en lui laissant la responsabilité du caractère… inquisitorial dont il habille ses arguments.

Les faits qui me sont reprochés portent sur ma participation à la messe d’action de grâce organisée par le curé de la paroisse du Précheur, suite à mon élection au siège de député du Nord de la Martinique.

A cette occasion, je me suis exprimé devant l’assemblée des paroissiens, sur mon sentiment intime relatif à la foi, sentiment qui s’est construit à travers mon éducation familiale, tout un ensemble de traditions communautaires et, plus tard, de nombreuses convergences avec les combats de la Théologie de la libération, en Amérique du Sud.

Mon parcours de militant souverainiste de gauche m’a depuis longtemps conduit à faire la part des choses entre les enjeux religieux et la dimension spirituelle qui est, et a toujours été, historiquement, une ressource fondamentale du peuple martiniquais et à comprendre

De cet ensemble d’expériences, j’ai pu en effet tirer des leçons personnelles qui ont nourri ma conception éthique, c’est-à-dire une manière de me comporter avec mes concitoyens et mon prochain qui outrepasse le strict cadre de la loi, pour m’enjoindre de me conformer à l’attitude de Celui dont on a pu dire qu’il est « doux et humble de coeur ».

Si c’est ça être un mystique, alors je n’ai aucune honte à communier dans la paix du Christ.

Si au cours de mon intervention j’ai évoqué le « miracle » de mon élection, c’est au double sens,

1) Du dicton qui affirme « Vox populi, vox dei » ;

2) De la définition du Larousse, qui précise à côté du sens commun : « fait, résultat étonnant, extraordinaire, qui suscite l’admiration ». Puisque tous les spécialistes répétaient, depuis des années, qu’il était impossible qu’un candidat d’une petite commune comme Le Précheur puisse être élu député du Nord. Il fallait bien que les équipes qui m’ont soutenu aient la foi chevillée au corps pour renverser des pronostics si avisés…

En répondant à l’invitation lancée par le Père Arnack Bokombe, j’ai répondu à l’appel de l’unité et de la fraternité communautaire, unité gravement menacée par l’actuel climat de violence et d’incertitude généralisée.

Le Maire que j’ai été durant quatorze ans est bien placé pour mesurer le délitement de la cohésion communautaire sous le poids de la précarité structurelle, du vieillissement de la population et de l’exil de la jeunesse, sous la pression matérielle de la vie et des scories de notre histoire coloniale.

Il faut être bien éloigné de la vie des petites gens pour ignorer que la vieille Eglise coloniale a définitivement laissé place à une Eglise martiniquaise, soucieuse de jouer un rôle actif au sein de notre société en dérade. Ce rôle important joué par les congrégations religieuses n’est d’ailleurs pas l’apanage de l’Eglise catholique. A chacun sa mission, Dieu reconnaîtra les siens. Rappelons que l’étymologie du mot « religion » vient de « relier ». Au sein de l’une des communes les plus pauvres de l’île, j’ai sans cesse estimé de mon devoir de me tenir dans l’assemblée des miens, afin de réaffirmer l’impérieuse nécessité que nous soyions unis et solidaires face aux défis que nous devons relever.

Que M. Lafontaine sacrifie aux croyances de nos ancêtres Yoroubas ou Congos, grand bien lui fasse. Mais qu’au nom de sa « négritude », il soit prêt à relancer l’antique guerre d’une laïcité matérialiste et intolérante, je ne le suivrai pas sur cette voie.

Si « fanatisme » il y a, c’est bien dans cet anathème sectaire qui ignore la piété profonde du peuple martiniquais et qui, sous couvert de revanche mémorielle et d’une posture anticolonialiste, nous ressert le plat rance anticlérical de l’histoire de France (loi sur la laïcité, 1905).

Mon contradicteur convient pourtant que cette loi instaure la liberté religieuse pour chaque citoyen. Mais c’est pour ensuite céder au « délire » d’une question dénuée de toute pertinence : « Imaginez que les politiques publiques puissent s’ériger en fonction des croyances religieuses des hommes au pouvoir ! ». Comme si les politiques adoptées pouvaient refléter autre chose que les croyances des élus qui les proposent ! L’élu et le citoyen partagent la même condition humaine. L’interdiction de l’avortement aux Etats-Unis ou l’obligation vaccinale en France, pour ne prendre que ces exemples saillants, expriment fondamentalement les croyances de ceux qui les ont voté. Quelle est la part du religieux parmi ces croyances ? Apparemment la République de M. Lafontaine s’est dotée d’une police de la foi chargée de purifier ses élus de toute contamination suspecte par des considérations métaphysiques.
St Paul de Tarse a écrit dans ses épitres : « Ne discutez pas des opinions ». Une opinion n’est pas un argument, c’est une croyance. L’élu que je suis évite de juger les croyances des autres pour ne faire acte politique que de raison. Le discours taliban qui vise à disqualifier un adversaire en le traitant de « mystique » délirant, se retourne contre lui-même quand il prétend imposer l’absolu de sa partialité, qui prend alors la figure du dogme d’une pensée unique. L’attaque portée contre moi est une agression gratuite contre la communauté préchotine et sa volonté de dépassement des clivages politiques devenus stériles, une fois consacrée la décision démocratique.

Dans un pays aussi fracturé que le nôtre, il est impératif que les élus sachent se hausser à partager la condition ordinaire de leurs mandants. Face aux épreuves qui nous attendent, il est fondamental de maintenir le lien communautaire sans exclusive ni discrimination. Je n’ai de compte à rendre à personne sur la réalité de mes croyances, de ma foi et j’en profite pour rendre hommage au Père Arnack, s’agissant de son inlassable travail d’exhortation en faveur de l’unité de la communauté, mais également au service d’une culture paroissiale ouverte et sensible aux enjeux quotidiens de la vie mondaine.

Je m’honore de partager avec lui cet humanisme fraternel qui fait la force du Précheur et qui, in fine, demeure à mes yeux le plus important.

Cette messe d’action de grâce ici décriée intervenant à la suite des élections, on ne saurait dès lors m’accuser d’avoir au préalable instrumentalisé démagogiquement le sentiment religieux de mes concitoyens pour manipuler le résultat des élections. C’est bien là l’argument inavoué de cette charge critique ad hominem qui échoue à fonder sa légitimité . C’est donc en toute fraternité martiniquaise que je recommande son auteur à la miséricorde divine. »

Marcellin NADEAU Député

2 Comments

  • Bien répondu mr Nadeau, je n’en attendais pas moins de vous. Bonne continuation
    Que dieu vous conduise

  • Monsieur Le Député.
    Votre réponse est à la hauteur de l’injure qui vous a été faites, ce Monsieur LA FONTAINE fait partie de ces personnes qui se permettent de vociférer à qui veut l’entendre que je me suis fait tout seul sans savoir qu’il y a une puissance bien au dessus de nous qui gère tout et tout le monde, ça c’est la réalité et beaucoup l’ignorent et se donnent le droit de critiquer les faits et gestes des personnalités publiques.
    Enfin je prendrais un passage de la doctrine sociale de l’Eglise dans la vie quotidienne.
    Dans leur immense majorité, les chrétiens vivent dans le monde et hors du monde. Ils passent la plupart de leur temps à exercer des activités professionnelles et familiales, sociales et, parfois, politiques. Ils trouvent leurs moyens de subsistance dans le monde, c’est là qu’ils exercent (ou pas) leurs responsabilités et leur autorité, leur sens de la justice et leur capacité d’aimer. Pour une large part, ce sont leurs activités au service du monde qui les valorisent ou les dévalorisent.
    Ainsi, même s’il ne veut pas du monde, le laïc est dans le monde. Mais comment peut-on être dans le monde tout en n’étant pas du monde ?
    On peut être tenté de séparer les deux sphères, celle de la vie de foi, d’un côté, et celle de la vie quotidienne de l’autre.
    Cela revient à condamner le laïc Chrétien à vivre une double vie : une vie « hors du monde » pieuse et ecclésiale (le dimanche ou lors des prières, des partages ou des services qu’il rend à l’Eglise) ; une autre dans le monde profane et mondaine (au travail dans la société de tous les jours).
    Le chrétien serait obligé de faire un travail d’introspection permanent pour agir le moins mal possible, dans le monde, étant bien entendu que son développement spirituel réel se ferait hors du monde en échappant aux contraintes de la société.
    Cela n’est ni satisfaisant ni tenable.
    En séparant la vie de foi et l’activité courante, nous ne parlons du monde que du point de vue des péchés qu’il nous conduit à commettre.
    Monsieur Le Député vous avez mis en exergue ce que doit être chaque humain sur la terre pour vraiment mettre en application l’Amour de soit et l’amour du prochain.
    Aimer son prochain comme soit même, c’est à travers cette attitude que nous y arriverons, mais surtout pas à travers la critique gratuite et sans fondement.
    Cordialement.
    M CABIT.

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