Le Bâtonnier : Justice et réparation pour la Martinique

Fort de France, le 29 avril 2022

Monsieur le Président de la République,

Je vous adresse mes félicitations républicaines pour votre réélection, et je garde à l’esprit, parmi vos premiers mots de candidat réélu, celui de « bienveillance ».

Je vous écris depuis la Martinique, l’ile où la France a déversé du chloredécone dans nos corps, nos terres et nos eaux, avec la promesse d’en pâtir encore durant cinq siècles.

De la bienveillance, il en faudra et bien plus encore pour changer de politique.
Passez du colmatage de plan en plan, à la véritable réparation et à la protection de la vie, comme pour les autres scandales sanitaires aujourd’hui réparés, autant qu’il était possible. Ce ne sont pas seulement nos chers ouvriers agricoles soufrant de la prostate qu’il faut sortir de la misère et indemniser, mais toute la population qui selon l’ARS a bu de ce poison dans l’eau du robinet.

Je vous écris depuis la terre d’Aimé Césaire, qui doit certainement se retourner dans sa tombe, depuis l’annonce des résultats carnavalesques du second tour de votre réélection. En rire ou en pleurer, protester, tempêter, mais n’être ni sourd, ni aveugle, à la souffrance du « Peuple Martiniquais » que la Constitution Française qualifie de « population d’outre-mer ».

Nos élus devraient porter ce message mais étant issus de vos institutions, ils semblent ne porter, majoritairement, que votre parole, et non celle de leur Peuple.

La « bienveillance » c’est la reconnaisse du crime contre notre « Peuple » et la mise en œuvre d’une réparation adaptée par le truchement d’une Loi d’indemnisation qui n’oublie et n’exclut aucune douleur. Au-delà des actions en justice, il y a le principe de Justice.

Je vous écris depuis les entrailles de la souffrance des soignants et autres personnels suspendus, licenciés, remerciés comme il ne se doit pas, dans une Martinique non-vaccinée à 3 doses à 80%. Si jadis des raisons ont existé à la justification de l’obligation vaccinale, aujourd’hui elles ont scientifiquement disparu. Les masques sont tombés.

La « bienveillance » passe par la tradition ou l’usage de l’amnistie présidentielle de ces condamnations de personnels innocents qui sont en train de tout perdre après nous avoir tout donné. Je vous demande de les réintégrer, les indemniser des salaires dont ils ont été privés, et finalement, d’une certaine manière, les rapatrier. Ne mettez personne hors citoyenneté.

Je vous sais très occupé et en guerre, et je n’espère de vous ni une prompte réponse, ni une prochaine visite, mais pour mon Peuple, des actes de bienveillance qui rendront à la France, la dignité et l’honneur, qu’elle perd chaque jour qui passe, aux yeux de ses victimes.

La relation entre la Martinique et la France est née du viol de l’Afrique par l’Europe, sur le tombeau des Caraïbes. Elle ne peut et ne doit pas se poursuivre par le mépris des effets du crime d’empoisonnement sur fond de souffrance sociale. La paix est menacée.

Je vous écris depuis le socle de la statue de Victor SCHOELCHER, déboulonnée un 22 mai, par une jeunesse révoltée contre les crimes du colonialisme, et qui a entrainé dans sa chute, avant le meurtre de George FLOYD, toutes les autres, à travers les travers du monde.

En cette fin de décennie des personnes d’ascendance africaines décidée par l’ONU, la bienveillance commande de mettre fin et de réparer tous les crimes contre l’humanité.

Les Avocats du barreau de Martinique, impliqués dans ces problématiques, se tiennent à votre disposition pour envisager avec les élus, les conditions de mise en œuvre de votre « bienveillance » réparatrice et indemnitaire pour dépolluer les sols, les rivières et les sources, protéger la mer, réparer les préjudices et soigner les malades avec tous nos soignants.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma très haute considération.

Le Bâtonnier
Georges-EmmanueLGERMANY