Violence coloniale, résistance populaire et désordre.

 Violence coloniale, résistance populaire et désordre.

Toutes les outrances et toutes les injures, toutes les violences sont condamnables, d’où qu’elles viennent. Cela dit, il existe des pesanteurs culturelles, sociales et historiques et des situations que la posture autoritaire et colonialiste ne favorisent pas la compréhension, la nuance et la complexité d’une société de consommation à outrance, post esclavagiste, et colonialiste. Rappelons aussi que notre société martiniquaise est marquée du triple sceaux du crime de l’extermination des caraïbes, de la mise en esclavage de nos ancêtres africains et de la colonisation.

Toujours un qui nous le rappelle
Rappelons nous de cette phrase de Samuel Huntington dans son livre Le Choc des civilisations : « L’Occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l’oublient souvent, mais les non Occidentaux jamais. »
Alors s’habitue à débarquer d’un avion après 08 heures de vol et durant 02 heures, au pas de charge du héros, porter « la bonne nouvelle ». On met en œuvre la traditionnelle séquence d’humiliation qui consiste promettre de tout effacer à condition de condamner ceux pour lesquels on se bat, tutoyer en quelque mots créole rapidement mémorisés, …et on repart heureux. Comme il avait raison le Poète quand il disait « Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies ». Les relations entre la France et la Martinique c’est encore cela et beaucoup de nos dirigeants semblent s’y conformer et se contente de tourner en rond en proposant aujourd’hui « un accord de méthode ».

Il faut aller plus loin
Il n’y a rien d’autre là qu’un recyclage « pseudo méthodologique » de la vieille doctrine du retour au calme, celle qui vise à faire disparaître purement et simplement l’essentiel dans une offre économique et sociale qui va une fois de plus exclure les « déclassés » de notre société martiniquaise. L’essentiel c’est « l’humain »
Pendant des décennies, cette doctrine a occupé toutes nos capacités d’initiative et la meilleure part de notre volonté. Exonérations fiscales, baisse de T.V.A, rentes et subventions, transferts publics massifs nous ont été appliqués sans réserve. Ce colmatage d’un modèle en déliquescence se poursuit encore aujourd’hui.
Le résultat reste le même : chômage hors-normes pour toutes les catégories de nos actifs, taux de pauvreté aigu, une jeunesse sans perspective, un pays qui se vide et vieillit en même temps, retards déclarés en matière de santé ou d’éducation. On voit bien aujourd’hui l’impuissance des technocrates et des politiques d’ici et d’ailleurs à proposer une voie d’épanouissement à notre pays.
Aujourd’hui nos élus sont légitimés par leur élection, mais pas représentatifs puisque placés aux manettes du pouvoir avec 17 à 20 % du corps électoral. Alors sont-ils pour autant légitimes pour mener les débats de sortie de crise ?

Comment peut-on comprendre ?
On spectacularise tous les dégâts matériels en les attribuant aux « jeunes » « aux voyous de nuit » comme l’a déclaré le ministre des « outre-mer ». Mais il est temps de s’arrêter aussi sur l’affaissement morale de notre société qui entretien la désespérance des « déclassés » de notre société. La délinquance juvénile, la drogue, les armes, l’inceste, les violences intra familiales, l’échec scolaire, un ex-président de la république doublement condamné, un ministre de la justice mis en examen pour prise illégale d’intérêts…tout cela est devenu que des sujets de discussions qui alimentent les débats technocratiques et la bonne conscience de nos « élites ».
Ces « déclassés » vont par le canal de l’action militante violente et décisive, retrouver le chemin de leur propre réhabilitation. Ils ne se réhabilitent pas vis-à-vis de la société coloniale ou de la condescendance du dominateur. Non. Tout au contraire, ils revendiquent leur incapacité, voire leur refus de s’intégrer dans la cité autrement par la force et le désordre. Ces désespérés se réhabilitent vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de leur histoire personnelle. Ils règlent parfois des petits comptes personnels de proximité avec l’école qui les a exclus ou encore les lieux de consommation auxquels ils n’ont pas de possibilité matérielle d’accès. Ils se vengent de toutes ces violences silencieuses dont nous avons trop souvent sous-estimé l’impact. D’une société de diversités nous passons à une société « archipellisée » ou les différences d’origines, de classes ou autres se figent et alimentent ces guéguerres tribales, ou notre voisin devient notre premier ennemi. Enfin ces « déclassés » s’identifient à ce que nos politiques culturelles et éducatives brandissent comme modèle, en dénigrant ce qu’ils sont.
Tous ceux et toutes celles qui évoluent entre la folie et le suicide vont se rééquilibrer, vont se mêler et participer de façon décisive aux actions de protestation contre cette domination coloniale, et pas pour les mêmes raisons.
Ils ne sont pas pour autant des « racailles » que l’on condamne vainement à tour de bras. Il ne s’agit pas non plus de disculper des « voyous » qu’il faut identifier et punir, mais de ne pas s’aveugler dans une globalisation simpliste.

En même temps, l’ostentation et les postures méprisantes de certains de nos compatriotes et de nos « élus » dans leurs cumuls de mandats électoraux les mettant à l’abri du besoin, continuent à « administrer » cette misère par l’assistanat, et la dépendance. La paix apparente maintenue par un équilibre traitement social et répression, le niveau d’équipement et d’infrastructures publiques et privées et les belles plages tendent à faire croire que tout va bien.
Or, le mal est là !

Jeff Lafontaine

2 Comments

  • Tout est dit, et bien dit.
    mais combien prendrons en considération ces extrêmes VÉRITÉS .
    Et j’ajoute que ceux et celles jouissant de privilèges ,oublient avec le temps que des femmes et des hommes sont morts pour la gagner.

    • Merci

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