Le conseil d’état valide le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et relève que le pass vaccinal est présenté comme une incitation à la vaccination

 Le conseil d’état valide le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et relève que le pass vaccinal est présenté comme une incitation à la vaccination

Sur le principe du « passe vaccinal

Le projet de loi prévoit de permettre au Premier ministre de subordonner l’accès à certaines activités, à l’exception des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux dont l’accès resterait soumis au régime du « passe sanitaire », à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal, sans possibilité, en principe, de faire état de l’un des deux autres justificatifs qui sont le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19,

Ces activités sont :

  • l’ensemble des activités de loisirs ;
  • les activités de restauration ou de débit de boisson ;
  • les foires et salon professionnels ;
  • sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médicosociaux, pour les personnes accompagnant ou visitant les personnes accueillies et pour
    les patients accueillis pour des soins programmés ;
  • sauf en cas d’urgence, les déplacements de longue distance par transports publics
    interrégionaux au sein de l’hexagone, de la Corse et des collectivités d’outre-mer ;
  • sur décision du préfet, les grands centres commerciaux, dans des conditions garantissant
    l’accès aux biens et services de première nécessité.

Sur l’application du « passe vaccinal » aux personnes accédant à diverses activités

Le Conseil d’Etat relève que le « passe vaccinal » est présenté par les pouvoirs publics comme visant, en outre, à inciter les personnes ne s’étant pas encore engagées dans un schéma vaccinal à entamer cette démarche.

Il estime qu’au vu de l’évolution de la situation épidémique et de la progression de la couverture vaccinale dans le pays, cet objectif indirect de la mesure, qui tend à limiter plus largement les risques de diffusion du virus dans les activités autres que celles entrant dans le champ de la mesure en raison des risques particuliers que celles-ci présentent, et les risques de développement des formes graves de la maladie, contribuant ainsi à réduire la pression exercée sur le système de soins, s’inscrit dans l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Le Conseil d’Etat considère que si le choix (du pass vaccinal) fait par le projet peut induire une forme de rigidité, en plaçant le Gouvernement, en cas d’évolution favorable des circonstances, devant l’alternative entre le maintien du passe vaccinal tel qu’il est envisagé et la suppression de toute condition d’accès aux activités en cause, sans lui permettre de prononcer une mesure moins intrusive, ce choix ne se heurte par lui-même à aucun obstacle juridique.

Afin de mieux garantir la proportionnalité de l’atteinte portée par la mesure aux droits et libertés en cause, le Conseil d’Etat suggère de modifier la rédaction du projet pour admettre expressément le certificat de rétablissement, par dérogation et dans des conditions définies par décret, comme un substitut du justificatif de statut vaccinal, indépendamment de la nature des activités pratiquées et de l’état médical actuel de la personne. Il appartiendra au pouvoir réglementaire d’adapter, au vu des connaissances scientifiques disponibles, la durée de prise en compte de ce certificat à compter de la précédente infection.

Sous cette réserve, le Conseil d’Etat considère que cette mesure ne se heurte par elle-même à un obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Le Conseil d’Etat relève que le projet inclut les mineurs de douze à dix-sept ans, éligibles à la vaccination, dans le champ de la mesure, à l’instar du « passe sanitaire » actuel. Il estime que ce choix est cohérent avec les objectifs de la mesure, eu égard notamment à l’exposition particulière des mineurs à la vague épidémique actuelle.

Le Conseil d’Etat estime que le contexte sanitaire, en particulier la diffusion du variant Omicron, peut justifier le renforcement des mesures de protection dans les transports de longue distance qui, en l’état des informations communiquées par le Gouvernement, peuvent dans certains cas constituer des lieux présentant un risque accru de diffusion du virus. Il souligne toutefois que l’impossibilité de faire état d’un test de dépistage négatif aura pour effet de priver les personnes non vaccinées de toute possibilité de prendre l’avion ainsi que le train ou le bus pour de longues distances. Elle est de nature à porter une atteinte substantielle à leur liberté d’aller et venir et à leur droit au respect de la vie privée et familiale. Pour mieux garantir la proportionnalité du dispositif, le Conseil d’Etat suggère d’introduire la
possibilité d’admettre la présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 en cas de déplacement pour des motifs impérieux de nature familiale ou de santé, y compris lorsque ce déplacement ne présente pas un caractère d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif de statut vaccinal ou du certificat de rétablissement.

Sur les modalités de contrôle d’identité et du pass vaccinal

Le projet de loi permet aux personnes chargées du contrôle du « passe sanitaire » et du « passe vaccinal », en cas de doute sur ces documents, d’exiger la présentation d’un document officiel d’identité. Le Conseil d’Etat relève que diverses dispositions législatives et réglementaires prévoient déjà la vérification par les professionnels de l’identité de leurs clients, en particulier en ce qui concerne le paiement par chèque (article L. 131-15 du code monétaire et financier), les transactions bancaires (article L. 561-5 du code monétaire et financier), la vente de boissons alcooliques dans les débits de boissons (article L. 3342-1 du code de la santé publique), l’accès aux salles de jeux dans les casinos (article R. 321-27 du code de la sécurité intérieure) ou les compagnies aériennes (articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

Le Conseil d’Etat constate qu’en l’espèce, la vérification de l’identité des clients soumis au « passe sanitaire » ou au « passe vaccinal » par les professionnels, en cas de doute sur l’authenticité de ces documents, est nécessaire pour prévenir le recours à des documents frauduleux. Il en déduit que la mesure est justifiée par un objectif de santé publique. Le Conseil d’Etat considère dès lors qu’aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce que l’accès des personnes dans un établissement, un lieu ou un service de transports soit subordonné à la justification par les intéressés de leur identité, lorsqu’une telle demande est motivée par des considérations objectives. Il relève, au demeurant, que le juge des référés a retenu que n’était pas de nature à faire naître un doute sérieux le moyen tiré de ce que le passe sanitaire porte une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale des intéressés en ce qu’il comporte la mention de l’identité de son titulaire (JRCE, 30 août 2021, Gentillet, n° 455623).

Sur l’application de l’état d’urgence sanitaire dans certaines collectivités d’outre-mer

Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique l’état d’urgence sanitaire ne peut être prorogé au-delà d’une durée d’un mois que par la loi. Il relève qu’aucun vecteur législatif en cours d’examen, et susceptible d’être adopté à brève échéance, ne contient de disposition prorogeant l’état d’urgence sanitaire en Martinique au-delà du 31 décembre. Par suite, l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret du 13 juillet 2021 ne sera
plus en vigueur à la date prévisible de promulgation du présent projet de loi et ne saurait dès lors faire l’objet de la mesure de prorogation envisagée.
Le Gouvernement a fait part de son intention, au vu de l’évolution récente de la situation sanitaire localement, de prendre un décret en Conseil des Ministres déclarant de nouveau l’état d’urgence sanitaire à partir de début janvier. Faute de pouvoir prendre en compte ce futur décret dans l’examen du projet de loi, à la date du présent avis, le Conseil d’Etat estime qu’il appartiendra au Gouvernement, une fois ce décret adopté, d’en tirer les conséquences en introduisant une disposition de prorogation au cours de la discussion parlementaire.

Cette mesure, analogue à la disposition admise par le Conseil d’Etat dans son avis (n° 403827) du 30 août 2021 sur un projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les outre-mer, constitue une dérogation temporaire et limitée aux dispositions de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique. Elle est en lien avec la situation sanitaire fragile de ces territoires, et avec les contraintes particulières de la lutte contre la propagation de l’épidémie dans ces territoires, rappelées au point 8 du même avis, relatives notamment à l’isolement géographique et à l’interdépendance de leurs systèmes hospitaliers.
Ces facteurs peuvent justifier de prévoir par avance une durée pouvant dépasser un mois en cas de déclaration rapprochée de l’état d’urgence sanitaire dans l’un de ces territoires et de fixer une date commune pour le réexamen simultané de leur situation avec les autres collectivités d’outre-mer déjà placées sous le régime de l’état d’urgence sanitaire. Le Conseil d’État estime qu’elle ne se heurte à aucun obstacle juridique.

Sur le régime de contention et d’isolement

Le Conseil d’Etat relève d’abord que le projet de loi, reprenant sur ce point les dispositions de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, limite la durée des mesures d’isolement et de contention à douze heures pour la première et à six heures pour la seconde, conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé (Recommandation de bonne pratique, Isolement et contention en psychiatrie générale, février 2017) et qu’il prévoit qu’elles ne peuvent, sauf à titre exceptionnel, être renouvelées au-delà de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention.

Alors qu’il résulte des dispositions actuelles qu’une évaluation médicale doit être réalisée toutes les douze heures, le projet de loi prévoit que deux évaluations devront être réalisées toutes les vingt-quatre heures. Il ressort des explications fournies par le Gouvernent que cette mesure vise à prendre en compte les difficultés matérielles rencontrées par les institutions et professionnels de santé pour procéder à cette évaluation en période nocturne. Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Cet avis a été délibéré et adopté par la Commission permanente du Conseil d’Etat dans sa séance du dimanche 26 décembre 2021.

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Télécharger l’avis du conseil d’état :

Avis du conseil d’état

Compte rendu du conseil des ministre du 27 décembre 2021

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